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Baptême à La Pointe (M. CONDE)

Imprimer Catégories : Littérature gourmande

D'emblée le livre m'a séduite.

Victoire, les saveurs et les mots.jpg
Saveurs, mots, sont autant de substantifs qui me parlent. J'aime les mets comme les livres qui me font voyager et ce Victoire, les saveurs et les mots réunissait tout cela.
"Cuisinière au savoir-faire inoubliable, Victoire Élodie Quidal travaille au service d'Anne-Marie et Boniface Walberg, à La Pointe. Sa virtuosité et son excellence sont recherchées par la bonne société guadeloupéenne qui la réclame dans ses cuisines... Victoire, qui n'a pas été épargnée par le destin, connaîtra-t-elle enfin son heure de gloire ? C'est avec une affection toute particulière que Maryse Condé brosse le portrait attachant de cette femme qui fut aussi sa grand-mère. "
Eh bien, pour faire dans le facile, je dirai que je suis un peu restée sur ma faim quant à ces délices culinaires... Et que choisir un extrait qui mette réellement l'eau à la bouche ne fut pas très évident à trouver. Si Maryse CONDE a éprouvé le besoin de se pencher sur la vie de grand-mère, c'est, elle l'avoue au fil des pages de manière plus ou moins détournée, pour pallier à une relation à sa mère qui fut loin d'être sereine. Et apprendre à connaître cette grand-mère inconnue et si loin de ce qu'était sa mère, c'était aussi un moyen de renouer les fils, de savoir d'où elle venait. Dans cette magicienne des mets, Maryse CONDE se reconnaît en mots : "Ce que je veux, c'est revendiquer l'héritage de cette femme qui apparemment n'en laissa pas. Etablir le lien qui unit sa créativité à la mienne. Passer des saveurs, des couleurs, des odeurs des chairs ou des légumes à celle des mots." 
C'est un beau livre. Mais c'est davantage un livre sur la complexité de la relation mère-fille que sur "les saveurs et les mots", ainsi que le voulait son auteur. Les itinéraires de la grand-mère et de la mère de la narratrice sont passionnants, et l'on ne peut qu'être touchée par ce désir de s'élever dans cette société antillaise de la première moitié du vingtième siècle, même si les conséquences en sont rudes.
L'extrait que j'ai choisi montre les "débuts" de la gloire culinaire de Victoire QUIDAL, lors du baptême du premier-né de la maison qui l'emploie. Voici donc :

BAPTÊME A LA POINTE

[...] à l'occasion de ce baptême, les dons de cuisinière de Victoire furent révélés à tous.
Pourquoi à ce moment-là ?
On peut supposer qu'Anne-Marie en avait assez de l'inimitié qui, l'épargnant, entourait sa seule amie. Elle voulait narguer à sa manière la bonne société, aveugle et arrogante.
- Je la ferai saliver ! l'aurait-on entendu affirmer.
Ma mère garda dans ses papiers le numéro 51 de l'Echo pointois où figure au mitan d'un article dithyrambique le menu de ce repas de baptême, composé avec lyrisme comme un poème et vraisemblablement expédié au journal par les soins d'Anne-Marie. :
"Ce furent chez les Walberg des agapes à la romaine, l'oeuvre d'un véritable amphitryon. Jugez-en plutôt :
Boudins de ouassous
Petits burgos aux pousses d'épinard et aux feuilles de siguine
Langouste aux mangues vertes
Porc caramélisé au vieux rhum Duquesnoy et au gingembre
Fricassée de lapin aux oranges bourbonnaises
Gratin de christophines
Gratin de pommes de cythères vertes
Gratin de bananes poto
Salade de pourpier
Trois sorbets : coco, fruit de la passion, citron
Gâteau fouetté
Quelle imagination hardie, quelle créativité ont présidé à l'élaboration de ces délices ! L'eau ne vous vient-elle pas à la bouche, cher lecteur ?"
Maryse CONDE, Victoire, les saveurs et les mots, 2006. 

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